Rangoon. Novembre 1862. Par une après-midi humide et brumeuse, peu après la fin de la mousson, un cadavre enveloppé dans un linceul est porté par un petit détachement de soldats britanniques jusqu’à une sépulture anonyme au pied d’une prison fortifiée. « Plus aucun vestige ne permettra de distinguer où repose le dernier des Grands Moghols », murmura avec soupir de soulagement le haut-commissaire anglais en poste à cette époque.
Né en 1775, Bahadur Shah II, également connu sous son nom de plume, Zafar, a été le dernier empereur moghol, descendant direct de Genghis Khan. Mais de royal, Zafar n’avait plus que son sang et son nom. Dépossédé de ses droits et de ses pouvoirs par la Compagnie anglaise des Indes orientales, il n’en était pas moins un poète raffiné, un remarquable calligraphe, et l’artisan d’une des lumineuses renaissances de l’histoire de l’Inde.
En 1857, Delhi, sa capitale prospère, est le théâtre sanglant de la plus violente des insurrections que l’Empire britannique eut à affronter. Près de deux cent mille soldats indiens se soulevèrent avec fureur ; ce fut la révolte des Cipayes, bénie par Zafar, réprimée par les Anglais, qui réduisit à l’état de ruines et de cendres la plus belle ville de l’Hindoustan et le berceau de la magnificence moghole.
Le Dernier Moghol est le portrait poignant de Delhi la Fabuleuse, personnifiée par Zafar, et de leur destin tragique à tous deux lors de la terrible destruction de la ville dans cette catastrophe de 1857.
Après Le Moghol Blanc (Noir sur Blanc, 2005), et à la lumière d’un riche trésor d’archives en ourdou et en persan jamais exhumées jusque-là, William Dalrymple raconte avec la même ferveur, la même truculence et le même sens du détail la fin de la dynastie des Moghols – formidable synthèse de tolérance religieuse entre l’Inde et l’Islam – qui prend une dimension étrangement contemporaine.